Voyage en Autriche
14/09/16

Choisir l’Autriche comme destination du voyage de notre section s’imposait en 2016 : certes, ce pays a de longue date une tradition puissante d’accueil de touristes venus du monde entier pour jouir de ses pistes de ski en hiver, de ses lacs en été et en toutes saisons de son exceptionnelle richesse culturelle ; mais en cette année de profondes interrogations sur l’avenir de l’Europe, une Europe secouée par le référendum britannique et la crise des réfugiés, l’Autriche, divisée par une élection difficile de son futur président, placée à la charnière des univers balkaniques, méditerranéens et centraux, était un lieu privilégié pour une compréhension de notre monde et de notre temps.

Commencer par Innsbrück était une très pédagogique mise en bouche : ville-pont comme l’indique son nom, c'est-à-dire à la fois lieu de défense et lieu d’échanges, la ville, située dans une belle vallée-ce qui l’apparente à sa ville-jumelle Grenoble- est plus que la ville des jeux olympiques d’hiver ; c’est une cité au riche passé, visible dans ses monuments allant du Moyen-Âge tardif au baroque, riche aussi de la faveur de la dynastie Habsbourg qui la dota de splendides œuvres d’art. Les Français ignorent avec application que son héros est l’opposant à l’occupation napoléonienne, Andreas Hofer, vénéré encore aujourd’hui dans ce Tyrol au fort sentiment patriotique et qui paya de sa vie sa lutte contre les Français et leurs alliés.

Après il y eut Salzburg, ville natale de W.A. Mozart : étrange impression d’une industrie touristique exploitant sans retenue la figure du plus illustre enfant de la cité, d’une forteresse défendant une principauté autrefois cossue et surtout d’une cathédrale magnifique à l’allure plus italienne que germanique comme si Salzburg, à l’instar de la musique mozartienne, était autant du sud que du nord.

En chemin voici l’abbaye de Melk : sur l’emplacement d’une place forte surplombant la plaine danubienne, l’empereur habsbourg fit construire une abbaye baroque majestueuse, lieu de culture, de formation et de prestige ; pour le goût français c’est un fort dépaysement mais il faut savoir apprécier cette ostentation de la Réforme catholique et du pouvoir impérial confondus.

Vienne, couronnement du voyage, ville impériale, ville carrefour, ville traditionnelle et avant-gardiste, ville internationale, à découvrir à chaque pas tant elle est marquée par sa créativité : son urbanisme fut marqué par les grands travaux du XIX° siècle (les remparts faisant place au « Ring ») et vit s’affronter architectes classiques et non-conformistes ; la neutralité autrichienne depuis 1955 l’a dotée d’un quartier institutionnel. La vie intellectuelle y fut intense sous la monarchie et le lycée prestigieux où nous fûmes reçus par nos amis amopaliens autrichiens est fier de ses savants et prix Nobel anciens élèves ; il ya tout un art de vivre encore à Vienne, en particulier dans ses cafés. Mais le legs de la longue période impériale est visible partout : la Hofburg vénère encore les fantômes de François-Joseph et de Sissi, le palais de Schönbrunn, copie modeste de Versailles, nous rappelle que le fils de Napoléon y est mort en prince autrichien et son musée des carrosses a conservé le char funéraire de François-Joseph, décédé à la fin de 1916 ; les grands personnages se firent aussi construire de magnifiques palais, comme le prince Eugène de Savoie qui mena la vie dure aux armées de Louis XIV et surtout repoussa rudement les Ottomans, amorçant ainsi la poussée vers les Balkans ; son palais abrite une belle collection de tableaux allant du XVII° au XX°.Mais c’est surtout la musique qui fait la renommée de Vienne, comme si, nés ou non autrichiens, les plus grands compositeurs classiques, romantiques et modernes avaient tenu à vivre et composer à Vienne, pour y trouver le succès : Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert, Brahms, Mahler, Schönberg(entre autres) et à un niveau plus léger les Strauss sont au programme de tous les concerts, comme celui auquel nous avons assisté. La 6° symphonie dite « pastorale » de Beethoven a-t-elle été composée dans les environs du Kahlenberg, toujours aussi bucoliques que de son temps et d’où l’on jouit d’une vue splendide sur la capitale, comme la virent les Polonais prêts à fondre sur l’armée ottomane en 1689 ?

Ville catholique, Vienne est construite autour de sa cathédrale et les membres de la dynastie reposent dans la crypte de l’église des Capucins, très proche. Nous avons d’autant plus apprécié l’abbaye d’Heiligenkreutz, avec son dépouillement cistercien à la française et grâce à un moine franco-allemand aussi cultivé qu’amène. Comme nous avons apprécié les petites villes touristiques de Bad Ischl qui a conservé la maison du compositeur d’opérettes F. Lehar et de Saint Wolfgang qui garde en relique l’auberge du cheval blanc, auberge-titre d’un succès des années 1930 ; en revanche c’est en séjournant dans une résidence d’été que l’empereur François-Joseph a depuis la poste de Bad Ischl posté la déclaration de guerre à la Serbie, amorçant le fatal engrenage, et ce geste funeste pèse encore sur les lieux.

Le centenaire du décès de cet empereur est l’occasion d’une certaine débauche de commémorations, même au glacier du Grossklockner où il aimait à se rendre ; mari médiocre, père pire encore, chef de guerre incompétent, diplomate aventureux, il représente cependant une « belle époque » durant laquelle l’empire austro-hongrois était une puissance importante et féconde et les Autrichiens en ont une nostalgie : leur campagne électorale pour choisir un président qui pèse moins que le notre mais plus que celui de notre 4° République opposait le thème de la sécurité pour l’un à celui de la respectabilité du pays chez l’autre ; le pays est assez prospère, il a des entreprises de renom (comme Swarowski que nous avons visitée) mais il s’interroge sur la façon d’évoluer au XXI° siècle.

Dernière visite, Graz, ville symbole des influences diverses reçues en héritage d’un empire pluriculturel : elle a un art de vivre déjà méridional sinon méditerranéen, une allure un peu balkanique çà et là, le tout dans un écrin monumental voulu par les Habsbourgs, ce mélange lui donnant un charme très particulier.

Que restera-t-il dans nos mémoires de ce voyage ? Campagnes pimpantes, peuple jovial, passé prestigieux mais histoire parfois tragique comme entre 1938 et 1945, période pesante encore mal assumée, vitalité culturelle et artistique, un pays germanique mais non allemand auquel nous avons à dire comme il a à nous dire, un pays que nous avons ressenti en amitié et c’est bien l’essentiel…

 

Jean-Louis Coppéré
Photos : Albert Dias

  • Innsbruck : le toit d'or

    Innsbruck : le toit d'or

  • Vue de Salzburg

    Vue de Salzburg

  • L'abbaye de Melk

    L'abbaye de Melk

  • A Vienne

    A Vienne

  • Vienne : les constructions du Kunstbau

    Vienne : les constructions du Kunstbau

  • Vienne : Hofburg

    Vienne : Hofburg

  • Vienne : la cathédrale St Etienne

    Vienne : la cathédrale St Etienne

  • Le château de Schonbrunn

    Le château de Schonbrunn

  • Vienne : le belvédère

    Vienne : le belvédère

  • Saint Wolfgan : L'auberge du cheval blanc

    Saint Wolfgan : L'auberge du cheval blanc

  • Vue sur le Grossglockner

    Vue sur le Grossglockner

  • Le groupe devant les cristaux de Swaroski

    Le groupe devant les cristaux de Swaroski

  • Graz : la Grand Place

    Graz : la Grand Place