La théorie de l'évolution entre sciences et religions
14/11/16

Conférence de Annie Mamecier-Demounem
le lundi 14 novembre 2016 à l'ESPE de l'académie de Lyon

Cette conférence avait pour objectif de montrer que ces deux termes, sciences et croyances, souvent présentés ou pensés en termes d’opposition, n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Il s’agit tout simplement d’une opposition du fondamentalisme religieux au matérialisme scientifique donc de différencier Sciences et Croyances. Il s’agissait ensuite d’établir un court historique sur la découverte d’arguments permettant de construire la théorie de l’évolution et enfin, de montrer en quoi la montée en puissance des pensées créationnistes inquiète la communauté scientifique.

Afin de bien savoir de quoi l’on parle, commençons par quelques définitions :

  • l’ÉVOLUTION ou plutôt la « théorie de l’évolution »,  peut être définie comme une variation, au hasard, due aux mécanismes génétiques de l’hérédité puis à une sélection par le milieu des formes les plus adaptées ;
  • on simplifiera la définition du CRÉATIONNISME dans un premier temps, en disant que toute forme de référence à une transcendance divine pour refuser ou expliquer l’évolution fait partie des négationnistes. Il existe une gamme d’options qui va du créationnisme strict où le passage d’une espèce à l’autre est récusé, à un theilhardisme où Dieu est à l’origine de tout (évolution comprise) en passant par une évolution orientée vers un dessein providentiel (Intelligent Design) ;
  • pour les RELIGIONS, la vie est due à une force spirituelle et s’adapte ou s’oppose à toute explication scientifique de l’apparition de l’Homme sur Terre.

 L’enseignement de la théorie de l’évolution pose problème à certains professeurs. Depuis que la « place de l’Homme dans l’évolution » est inscrite au programme des sciences de la vie et de la Terre (1997), des tentatives de remise en cause sont fréquentes dans certaines classes avec un maximum atteint lors de l’anniversaire du bicentenaire de la naissance de Darwin en 2009. Il est très difficile de faire comprendre à certains élèves la différence entre sciences et croyances.
Est-ce à dire qu’être scientifique impose l’athéisme ? Bien sûr que non, sciences et croyances peuvent coexister, si l’on sait que l’on croit et non qu’on croit ce qu’on sait ; ce qui implique qu’on respecte aussi l’inverse ! Le scientifique doit laisser à la porte de son laboratoire toute conviction religieuse.

 Historiquement plusieurs étapes ont enrichi la définition de la théorie de l’évolution :

  • le transformisme de Jean-Baptiste LAMARCK qui affirme que les organismes s’adaptent à leur milieu ;
  • l’évolutionnisme de Charles DARWIN qui avance que l’évolution se fait par sélection naturelle. En d’autres termes, ce sont les organismes les mieux adaptés à leur environnement, grâce à de nouvelles mutations, qui survivent et transmettent leurs gènes ;
  • le néodarwinisme, qui conserve le concept de sélection naturelle, mais qui précise en plus que l’évolution est graduelle et que les changements évolutifs par mutation sont soit de type anagenèse (une nouvelle lignée remplace une ancienne), soit de type cladogenèse (deux nouvelles lignées se scindent à partir d’une lignée ancestrale) ;
  • les équilibres ponctués de Stephen JAY GOULD et Niles ELDREDGE ne diffèrent du précédent modèle que sur un point : les espèces évolueraient lors de périodes ponctuelles séparées par des périodes stagnantes, et non de manière graduelle.

Depuis la publication de « l’origine des espèces » par Darwin (1859), des conflits ont existé entre évolutionnistes et créationnistes. Et aujourd’hui, 150 ans après, où en sommes-nous ? De nombreuses contestations existent encore mais elles ne sont pas généralisées sur tout le territoire ; elles dépendent très largement du contexte social de l’établissement scolaire. L’apogée des contestations a eu lieu en 2007 lors de l’envoi massif de « l’Atlas de la Création » dans les établissements scolaires, les universités, les laboratoires de recherche ... L’auteur, Harun YAHYA (de son véritable nom Adnan Oktar) est turc, principal défenseur du créationnisme dans le monde musulman. La conclusion de l’ouvrage commence par « Dieu a créé l’Univers et tout ce qui vit » ; en outre, l’auteur précise que la « réelle source du terrorisme et du matérialiste est le darwinisme ».
Jamais un mouvement créationniste n’avait déployé une telle offensive contre le monde de l’Éducation.
Les créationnistes interviennent de multiples façons : presse, publications, Internet, radio, télévision (film de T. JONHSON) « Homosapiens », quelques Imams, conférences, …
Les mouvements très activistes du créationnisme et du « dessein intelligent » se sont répandus dans le monde et ont réussi à influencer les programmes d’enseignement dans des contextes politiques très conservateurs. Aux États-Unis, pas moins de « 4 étudiants sur 5 croient en un créateur » (Miller et al. 2006). À contrario dans certains pays dont la France, le Danemark, la Suède, l’Islande et le Japon, aucune tolérance n’est permise.

 Le dessein intelligent ou « intelligent design » est un mouvement très revendicatif qui affirme l’idée qu’il y a bien eu évolution mais que celle-ci est le fruit d’une volonté transcendante. Ils veulent une histoire du monde où l’Homme a été désiré voire programmé par un Agent Intelligent (quel qu’il soit). Les notions de sélection naturelle et de contingence historique leur sont insupportables. Le dessein intelligent pose un problème épineux car cette théorie se présente comme un courant philosophique spiritualiste qui ne rejette pas le principe de l’évolution mais refuse le hasard. L’évolution ne peut-être que le fruit d’un plan divin, d’une intelligence supérieure.

 Comment ont réagi les mouvements religieux :

  • Pour les catholiques la création de l’Univers par Dieu ne s’oppose pas en soi à l’évolution. Les catholiques reconnaissent que l’évolution est plus qu’une hypothèse et accorde au livre de la genèse une portée symbolique plutôt que scientifique.
  • Pour la religion juive (née environ 1000 ans avant J-C.), le monde a bien été créé en 6 jours mais il y a une possibilité de réconcilier les 6 jours et les 13 milliards d’années (datation de l’Univers) en se basant sur la relativité d’Einstein. Le mot jour pourrait être assimilé à une période ; il y aurait donc 6 époques de processus d’évolution. La grande différence qui subsiste entre la théorie de l’évolution et le texte de la Torah est la place du hasard. Fondamental dans la théorie scientifique, le hasard n’est pas reconnu dans le judaïsme.  
  • Pour le culte musulman connu depuis le VIIe siècle après J-C., aucune adaptation possible des versets même ceux pour lesquels il a été démontré qu’ils ne pouvaient pas être transposés de la société du 7ème siècle à l’époque actuelle.

 L’Atlas de la Création a été le déclic d’une prise de conscience et de vives réactions en France. Adnan OKTAR, né à Ankara en 1956 est une des figures centrales du créationnisme en Turquie, considéré également comme le défenseur majeur du créationnisme dans le monde musulman. L’envoi de l’Atlas de le Création en grand nombre est une attaque insidieuse mais Adnan OKTAR possède un réel pouvoir politique ; il souhaite remplacer la démocratie par une théocratie.
L’inquiétante progression des idées d’Harun YAYA est symptomatique de la dégradation politique du pays et plus généralement de la montée de l’extrémisme religieux dans le monde.

 Les réponses institutionnelles ne se sont pas fait attendre :

  • du côté gouvernemental, la réaction a été rapide et, à priori, efficace : le ministre de l’Éducation Nationale, via les recteurs d’académie et les chefs d’établissement, a fait retirer tous les ouvrages distribués aux établissements scolaires de l’accessibilité par des élèves ;
  • au niveau politique : le conseil de l’Europe, après le refus d’une loi proposée par Guy LENGAGNE, dépose une résolution adoptée en octobre 2007. Il en reste donc une résolution qui a une portée éducative, certes, mais pas force de loi ;
  • du côté des scientifiques (G. LECOINTRE, H. LE GUYADER, A. DE RICQLES, P. PICQ), un colloque national est organisé collégialement car il apparaît, comme une évidence que la cible la plus clairement identifiable est le milieu scolaire puisque les professionnels de l’enseignement peuvent servir de relais.

Par ailleurs, des conférences itinérantes sont organisées par la SGF (Société Géologique de France), intitulées « Évolution – Évolution », de 2008 à 2010, à Paris et en province.

Les résultats de cette mobilisation ont permis d’apporter, sous forme de conférences, de tables rondes ou d’ateliers, des éléments fiables aux pédagogues pour leur enseignement auprès des élèves, avec toutes les preuves intangibles et les derniers résultats de la recherche, ainsi que des données d’épistémologie. Mais le colloque a révélé aussi des besoins en ce qui concerne l’enseignement de cette délicate question « sciences et croyances ». Il serait fondamental de placer devant les élèves des adultes formés à travailler en pluridisciplinarité et en pluricatégorialité (professeurs de philosophie, histoire géographie, sciences de la vie et de la Terre, théologiens, scientifiques) mais !!!

Aujourd’hui, le climat social semble apaisé ? Mais il ne faut pas se méprendre, car si les élèves sont plus silencieux, ils ne sont pas plus convaincus par l’explication scientifique des mécanismes de l’évolution. Les difficultés décrites pour celle de l’évolution tiennent au fait que cette théorie apporte une réponse scientifique à la question de l’origine des espèces, de l’espèce humaine en particulier. Or, d’autres affirmations répondent à la question (famille, religion…). Dans un contexte, loin d’être serein, l’enseignement redevient plus que jamais un enjeu d’éducation et de liberté pour les jeunes issus de notre école laïque.
Les événements récents doivent être considérés comme le signe d’un trouble de l’identité qui prospère sur un sentiment de mépris, de manque de reconnaissance des cultures dont ces lycéens sont issus. Le périmètre de la classe est remis en cause car la théorie de l’évolution semble être un prétexte qui dissimule un problème d’intégration. Les élèves des quartiers les plus défavorisés ne croient pas en l’École et se sentent délaissés par le système. Cette situation de repli sur eux-mêmes les rend fragiles et sensibles à toute idéologie et à tout endoctrinement.

 Conclusion :

La classe paraît être malgré tout l’espace qui donne sens pour faire la différence entre sciences, laïcité, opinions, croyances.
Nous devons être vigilants pour que notre enseignement reste public, laïc et identique pour tous.
Ma réponse à la problématique posée : La théorie de l’évolution entre sciences et religions est donc de CROIRE EN LA SCIENCE ET d’ASSUMER SA RELIGION !

Annie Mamecier-Demounem
Photos : Jean-Marie Pallier

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