Visite des Hôtels particuliers du quartier Bellecour-Ainay
13/04/17

Nous commençons notre visite par une rapide présentation du quartier au pied de la statue de Louis XIV sur la place Bellecour.

Nous sommes nombreux à être passés dans les quartiers de Bellecour et d’Ainay, devant d’élégantes façades sans y prêter attention, et pourtant ces lieux, témoins des grandes familles des XVIIe et XVIIIe siècles, sont imprégnés d’histoire.

Au XVIIe siècle, le quartier Bellecour est considéré comme le plus beau de Lyon. Les hôtels particuliers se répandent. Mais le modèle typiquement parisien, avec cour d’honneur et jardin, ne s’est guère implanté à Lyon pour deux raisons : le parcellaire urbain de Lyon était en effet particulièrement contraint à l’époque par la présence du Rhône et il n’y avait ni Parlement, ni Université.

On développe ici l’hôtel sur rue, avec cour, mais souvent sans jardin. Des lieux remarquables néanmoins. Les intérieurs ne sont pas ouverts aux visites.

Nous nous dirigeons ensuite vers les n° 8 et 10 de la rue du Plat :
Nous entrons par le côté rue de l’hôtel, celui-ci se prolonge à l’arrière par un côté jardin avec vue sur la rive gauche de la Saône et la colline de Fourvière. Le bâtiment s’étage sur trois niveaux :

  • Au rez-de-chaussée, les écuries, la cour en arrondi avec une fontaine et un abreuvoir reliés à un puits. Au-dessus les fenières pour conserver le foin,
  • Un étage attique,
  • Le dernier étage commun pour étendage du linge.

 L’entresol est réservé aux commerçants.

 Les fenêtres, de type XVIIIe siècle, sont hautes avec traverse plate au-dessus. Le décor de l’ensemble est sobre, avec des pierres travaillées en bossage pour donner du relief. L’entrée des appartements s’orne de deux petits pilastres avec chapiteau ce qui révèle un air, modéré, d’anticomanie à cette époque.

À l’intérieur, non visité, l’espace est divisé en alcôve, antichambre, cabinet, toutes des pièces où l’on reçoit. On utilise les premiers papiers peints, des peintures très claires, on pose des lambris d’appui et de hauteur. Tailleur de pierres, forgeron, ébéniste sont des métiers reconnus à cette époque. La porte sur rue supporte un balcon de type XVIIIe siècle.

Au n° 27 de la Place Bellecour :
Cet immeuble de la fin du XVIIIe siècle présente une cour intérieure et un « jardin » avec vue sur les tilleuls de la place Bellecour. Les fenêtres sont à arc bombé avec décor simple et cranté. La porte, magnifique, présente un mélange d’architectures, avec ses moulures typiques de l’époque Louis XV, et son entablement composé de glyphes et métopes... anticomanie encore ! Ici fut fondée en 1645 « l’Académie de l’Équitation » de Lyon, tenue dès 1740 par Claude Bourgelat.

Nous continuons par la rue Boissac :
Au n°1
, nous découvrons une « Maison » qui ne fait pas partie des hôtels particuliers, mais fut peut-être un couvent au XVIIe siècle ? Elle présente quelques particularités : deux petites tourelles carrées avec angles en pierres dorées, une galerie avec des colombages. C’est le seul exemple à Lyon ce qui n’est pas surprenant, la région offrant des carrières et non des forêts. On y trouve aussi une cour pavée de galets, ce qui est assez rare.

Au n°6, c’est Hôtel de Fleurieu bâti en 1646 :
On entre par une porte typique du XVIIe siècle : chambranles très carrés, sculpture en gros boudins, feuilles d’acanthe et décors sur l’imposte, heurtoir et guichet (grille). On découvre ensuite un jardin d’une grande richesse botanique. Dans ce centre de la culture lyonnaise, il y avait une bibliothèque renommée, Voltaire et Rousseau y passèrent. C’était aussi un lieu de divertissements où on jouait au jeu de paume.  Louis XIV est venu s’entraîner. La demeure a été vendue en 1801 à Mademoiselle de la Barmondière. Elle y installa les religieuses du Sacré Cœur pour instruire « les demoiselles de qualité ». La maison fait partie aujourd’hui de l’École Saint Marc, la cour de récréation correspond à l’emplacement du jardin.

Au n° 8, l’Hôtel de Fleurieu-Claret de la Tourette, édifié en 1645, avec porte cour et jardin, est échu aux sœurs du Sacré Cœur.

Rue Auguste-Comte :
Au n° 2 
se trouve le plus « parisien » des hôtels particuliers : l’Hôtel de Varey construit en 1758 par Toussaint Loyer, disciple de Soufflot, pour la famille Darvieu, seigneur de Varey. On y trouve deux cours et un « jardin » avec vue sur les plantations de la place Bellecour. Le perron devant la porte présente un fronton triangulaire soutenu par une frise grecque - glyphes et gouttelettes - le toit est dit « à la Mansart ». La maison de maître est au nord et la maison de services, avec puits à balancier du XVIIIe siècle, au sud. La façade est sobre, avec balustres en ferronnerie du XVIIIe siècle, mais l’intérieur, avec ses pièces de réception, est richement décoré. La grande porte sur rue avec son entablement dorique est sculptée avec guirlande et nœud.

Rue Sala :
n°42 :
On ne possède pas d’information précise sur le nom, rarement cité, de cette cour dite la « Cour des Fainéants » au XIXe siècle. Une traboule à double passage entre les n° 42 et 44 rue Sala et les n° 29 et 31 rue Sainte Hélène est un passage pavé « en tête de chats ».

À l’entrée cochère du 31 rue Sainte Hélène, on découvre un plafond somptueux et des murs moulurés en stuc. Des petits ateliers artisanaux se trouvent au rez-de-chaussée.

Rue Sainte Hélène :
n°30
 : Hôtel de Cuzieu construit en 1759. C’est la demeure de la famille Yéméniz. De 1830 à 1860, Madame Yéméniz y tint un salon littéraire réputé où se retrouvaient Mérimée, Lamartine, Montalembert… Le beau portail d’entrée du XIXe siècle ouvre à l’arrière sur une cour et un jardin aménagé au XVIIIe siècle. Ce lieu, restauré par Michel Wilmotte, est devenu propriété de la famille Dentressangle.

Rue de la Charité :
n°17 : L’Hôtel de Nervo,
construit en 1753 était l’hôtel du prévôt de Lyon.
On entre par une belle porte cochère datée de 1788. A l’arrière se trouvent une cour et un petit « jardin » avec terrasse d’agrément qui, à l’époque, avait vue sur les remparts du Rhône, situés alors tout près de la rue de Fleurieu. Les constructions qui le séparent actuellement du fleuve sont plus récentes, elles datent du XIXe siècle.

Nous terminons notre visite par les hôtels particuliers qui abritent aujourd’hui des musées.

Au n° 30 : l’Hôtel de Lacroix-Laval, d’architecture très sobre, attribué à Soufflot en 1739, abrite le Musée des Arts décoratifs depuis 1925. Ce bâtiment, de trois niveaux de même hauteur, présente en son centre une cour et un beau jardin avec des arbres séculaires.

Au n° 34 : l’Hôtel de Villeroy, construit par Claude Bertaud de la Vaure en 1730, abrite le Musée des Tissus depuis 1950.
Le portail, monumental, s’ouvre sur une cour d’honneur où s’élève un bâtiment de trois étages, composé de trois pans symétriques. On y remarque la travée axiale avec fronton. Les ferronneries des fenêtres sont richement travaillées. À l’arrière se trouvait un jardin aujourd’hui disparu.

À l’intérieur, les boiseries et parquets sont conservés. Dans le hall, on remarque le départ d’un splendide escalier d’honneur, particulièrement large en raison de la mode féminine de l’époque, les robes à crinoline.

Pour l’heure, l’avenir de ce magnifique Musée des Tissus reste grandement menacé.

Mais ne laissons point ce passé figé dans la description. À cette époque, 100 000 personnes peuplent la presqu’île, très différentes entre elles selon qu’elles habitent au nord de la place Bellecour, lieu dédié au commerce ou au sud, lieu de résidence. Aussi pour clore cette balade découverte limitée aux extérieurs de ces hôtels, donnons libre cours à notre imagination pour supposer les intérieurs, les animer, en laissant parler Nicolas-François Cochard (1763-1834), dans sa description historique du quartier de la presqu’île : 

« La noblesse et les familles qui vivent de leurs rentes l'habitent de préférence à tout autre parce qu'elles y trouvent des appartements plus vastes, plus commodes et mieux aérés que dans l'intérieur de la ville ; qu'elles y jouissent de plus de tranquillité, et que les réunions dans les longues soirées d'hiver y sont plus fréquentes que dans les quartiers de négoce ».

Nous terminerons cette visite par un passage dans la boutique du Musée, toujours attractive, et plusieurs d’entre nous emporteront quelques souvenirs.

Suzanne Bonditti
Photos : Jean-Marie Pallier

  • 8 rue du Plat

    8 rue du Plat

  • 27 Place Bellecour

    27 Place Bellecour

  • 1 rue de Boissac

    1 rue de Boissac

  • Hôtel de Varey

    Hôtel de Varey

  • Cour des Fainéants

    Cour des Fainéants

  • Hôtel de Cuzieu

    Hôtel de Cuzieu

  • Hôtel de Nervo

    Hôtel de Nervo

  • Hôtel de Lacroix-Laval

    Hôtel de Lacroix-Laval

  • Hôtel de Villeroy

    Hôtel de Villeroy