La mémoire de la Grande Guerre
24/04/14

Conférences de Jean-Charles Bonnet, les 25 mars et 24 avril 2014
à l’ESPE de l'académie de Lyon

Devant un public nombreux et passionné, Jean-Charles BONNET, agrégé d’histoire, ancien Maître de conférences à l’Université, ancien Directeur des CRDP de Dijon et de Lyon et ancien Directeur de cabinet du Recteur de l’Académie de Lyon, avec un grand talent de conteur, a parcouru le vaste champ de la mémoire du conflit de 1914-1918.

 Les fruits amers de la victoire :

Après la liesse du 11 novembre 1918 et celle du 14 juillet 1919, les français allaient découvrir que les fruits de la victoire étaient amers.

Le tribut était particulièrement lourd : 10,5 % de la population masculine dont 29,2% de jeunes gens décédés sans compter les blessés et, plus terrible encore, les disparus sources de tant d’angoisses et d’espoirs insensés.

Les mutilés et les malades mentaux ont frappé l’opinion. Parmi eux, les « gueules cassées » vont connaître un calvaire devant la stupeur de leur famille et de leurs enfants qu’ils vont parfois terroriser.

Le retour des poilus n’a pas été triomphant mais surtout long et compliqué par des formalités administratives interminables… Les souvenirs, lourds à porter, ont entravé le retour à la vie normale et le travail n’a pas toujours attendu les rescapés du front.

Les prisonniers des camps allemands doivent affronter le soupçon des combattants. Quant aux mutins de 1915 et 1917, si une loi d’amnistie en libéra une grande partie, ils purgèrent leur peine en Algérie et leur réhabilitation toujours espérée se fera attendre longtemps.

La société civile et politique va essayer de remédier à ces problèmes.

Les associations d’anciens combattants vont tenter de maintenir un lien social. Des pensions, des médailles vont être distribuées par un tout nouveau ministère.

 Les dix départements touchés par les combats sont ravagés, tout n’est que ruines et cimetières.

 Le culte pieux du souvenir :

Il se manifeste par les nombreuses plaques commémoratives que l’on trouve toujours dans les lycées, les institutions diverses. Des monuments aux morts vont être élevés dans 95 % des communes. Ce sera une « industrie » florissante. Ils sont inaugurés en grande pompe.

La plus grande originalité est celle du soldat inconnu, désigné au hasard par un jeune caporal parmi un choix de cercueils. Son culte est devenu la religion de la France.

 L’impossible oubli :

Entre les deux guerres des tentatives ont été faites pour dépasser le contentieux mortifère entre la France et l’Allemagne. Après avoir subi l’occupation de la Ruhr pour compenser les dommages subis par la France, l’Allemagne est admise à la Société Des Nations (SDN).

Les français sont enclins à un pacifisme de raison. Les syndicats enseignants militent pour la réconciliation. Un voyage en Allemagne est organisé.

Mais la république de Weimar ne détourne pas les allemands d’une défaite qu’ils estiment injuste et la volonté de revanche demeure.

En 1940 l’arrivée de Pétain à la tête de l’État, héros de la grande guerre, le « sauveur de la France » selon le chant officiel « Maréchal nous voilà » est significative.

La résistance n’échappe pas aux symboles de la grande guerre : 11 novembre 1940 aux Champs Élysées et 11 novembre 1943 à Oyonnax «  les vainqueurs de demain à ceux de 1918 ».

 La progressive construction européenne va modifier le paysage du souvenir. Des collaborations franco-allemandes vont voir le jour : Office franco-allemand pour la jeunesse, chaîne de télévision Arte. Des gestes forts vont être significatifs : la main dans la main d’Helmut Kohl et François Mitterrand sur les lieux mêmes des combats à Verdun.

La mémoire va s’orienter vers des recherches à caractère plus scientifique, qui reviennent avec plus de sérénité sur les chantiers de querelles : fusillés pour l’exemple, grévistes de 1917, état d’esprit et souffrances des territoires occupés, dommages collatéraux causés par les blessures et les maladies.

 L’histoire enseignée dans les classes a évolué pour ne retenir que les souffrances (peu d’histoire des batailles).

Pour combien de temps encore ?

 

Jacqueline Dauphin, d’après les documents de M. Jean-Charles Bonnet     

Vous pourrez consulter le texte complet de cette conférence ainsi que le compte rendu du voyage sur les lieux de mémoire dans le recueil des activités 2014 de la section (édition prévue en mars 2015).